Nouvelles mesures pour lutter contre l’immigration de masse et le chômage en Suisse

Introduction

Afin de mettre en œuvre l’initiative contre l’immigration de masse acceptée par le peuple et les cantons le 9 février 2014 (article 121a de la Constitution (Cst.)) et de lutter contre le chômage, le Parlement suisse a adopté fin 2016 la révision de la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr).

L’un des éléments centraux de la modification législative est l’obligation pour les employeurs d’annoncer les postes vacants lorsque le taux de chômage dépasse une valeur seuil dans les professions concernées (selon le code à 5 chiffres de la nomenclature suisse des professions 2000).

Cette mesure est destinée à épuiser le potentiel qu’offre la main d’œuvre en Suisse et de lutter contre l’immigration de masse en provenance de l’Union européenne notamment.

Concrètement, les postes vacants devront être annoncés par les employeurs au service public de l’emploi compétent de leur région s’agissant des catégories professionnelles affichant un taux de chômage au niveau suisse d’au moins 5%. A noter qu’un seuil transitoire de 8% sera appliqué jusqu’au 31 décembre 2019. Il s’agit ici de permettre aux employeurs et aux organes d’exécution d’adapter leurs processus et leurs ressources aux nouvelles règles.

Le Conseil fédéral a adopté les modifications des ordonnances d’application lors de sa séance du 8 décembre 2017. Les nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2018.

Lutte contre le chômage en Suisse

Les chiffres du chômage

Le calcul des taux de chômage s’effectuera sur la base des statistiques du SECO et correspondra au nombre de chômeurs inscrits auprès des offices régionaux de placement.

Le chômage moyen en 2016, toutes professions et tous cantons confondus, s’élevait à 3,6% selon la statistique du marché du travail.

En tenant compte d’un taux de chômage de 8% et sur la base des chiffres de 2016, l’obligation de communiquer les postes vacants concernera surtout le secteur de la construction et de l’hôtellerie. Avec un seuil de 5% en revanche, un total de 88 genres de professions sur les 383 répertoriés sera concerné et comprendra en plus notamment les employés du commerce de détail, les chauffeurs, le personnel de maison, le secteur de la restauration et du nettoyage.

Selon le Conseil fédéral, environ 218’000 postes vacants sur les quelque 700’000 pourvus chaque année seront soumis à l’obligation d’annonce pour un seuil de chômage de 5%. Le nombre tombera à 75’000 pour une barre de 8%.

Obligations des employeurs et procédure

Les employeurs seront tenus de communiquer notamment :

–        la profession recherchée ;

–        l’activité et les exigences spéciales requises ;

–        le lieu de l’exercice de la profession ;

–        le taux d’occupation ;

–        la date d’entrée en fonction ;

–        le type de rapport de travail : à durée déterminée ou indéterminée.

La communication de l’emploi vacant se fera via la plateforme Internet du service public de l’emploi, par téléphone ou en personne.

Les informations relatives aux postes vacants annoncés seront accessibles de manière exclusive pendant cinq jours ouvrés aux demandeurs d’emploi inscrits auprès du service public de l’emploi. L’employeur ne pourra pas publier d’autres annonces (par exemple dans les journaux) avant l’échéance de ce délai.

Le délai commencera à courir à partir du jour ouvrable suivant la réception de la confirmation du service public de l’emploi. Ne sont pas considérés comme jours ouvrables les samedis et dimanches ainsi que les jours fériés nationaux, cantonaux et régionaux.

Dans les trois jours ouvrables à compter de la réception de l’annonce complète d’un emploi vacant, le service public de l’emploi transmettra à l’employeur concerné les dossiers pertinents ou l’informera qu’une telle personne n’est pas disponible.

Les employeurs définiront eux-mêmes, sans directive ni devoir de justification, quels sont les candidats qu’ils considèrent appropriés. De même, ils seront libres d’organiser leur recrutement comme ils l’entendent.

Toutefois, les employeurs devront inviter les candidats appropriés à un entretien d’embauche ou à un examen d’aptitude. S’ils ne le font pas, ils seront tenus d’en motiver la raison auprès du service public de l’emploi.

Le législateur a refusé tout devoir de justification des employeurs en cas de non prise en compte de candidats appropriés, proposés par les autorités. De même, ils n’auront pas à justifier pourquoi tel ou tel candidat n’est pas engagé.

En revanche, une obligation d’annonce leur incombe : ils devront communiquer 1) la liste des personnes qu’ils considèrent comme étant appropriées, 2) qui ils ont invité à passer un entretien d’embauche ou un test d’aptitude professionnelle, 3) s’ils ont embauché un candidat ayant été proposé ou 4) si le poste reste vacant.

Aucune procédure d’annonce ne sera nécessaire si la durée des rapports de travail ne dépasse pas 14 jours civils. Il en ira de même s’agissant de l’engagement d’anciens apprentis, de membres d’une même famille ou encore les postes pourvus par des personnes (y compris les stagiaires) déjà employées par le même employeur au sein d’un groupe.

A noter encore que les cantons pourront eux-mêmes demander au Conseil fédéral, d’introduire une obligation d’annonce pendant une durée maximum d’un an, des emplois vacants pour une profession donnée si le taux de chômage dans le territoire cantonal concerné atteint ou dépasse les 8% (respectivement 5% dès le 1er janvier 2020). Cette requête pourra également être déposée conjointement par plusieurs cantons, lorsque les conditions requises pour ce faire sont remplies dans leurs territoires respectifs.

Sanctions

Les employeurs qui intentionnellement violeront l’obligation de communiquer les postes vacants ou l’obligation de mener un entretien ou un test d’aptitude professionnelle seront punis d’une amende de 40’000 francs au plus. En cas de négligence, l’amende sera de 20’000 francs au plus.

Conclusion

Tenant compte de la volonté populaire et des intérêts économiques de la Suisse, le Parlement et le Conseil fédéral ont pris les mesures nécessaires en vue d’encourager le potentiel des travailleurs en Suisse et de renforcer l’exécution de la législation sur les étrangers. L’idée de contraindre les employeurs à une obligation d’annonce des postes vacants afin de diminuer l’afflux de main-d’œuvre étrangère supplémentaire est à saluer dans la mesure où les accords internationaux, notamment l’ALCP, sont respectés. Il est toutefois impossible de prédire à ce stade si les effets seront à la hauteur des attentes puisqu’une telle mesure est inédite en Suisse.

Aussi, l’introduction d’un délai transitoire est bienvenue. En effet, cette nouvelle obligation d’annonce contraint les entreprises, surtout les PME, à s’organiser et à former du personnel spécialisé, voire de mettre en place une unité juridique. Indubitablement, les coûts administratifs des entreprises vont augmenter.

Enfin, on relèvera que le Conseil fédéral pourra fixer une nouvelle valeur seuil à tout moment si la situation sur le marché du travail l’exige.

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